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Le projet de l'année

Cela fait un bout de temps (oui ok plusieurs années...) que je travaille sur un projet de livre qui me tient à coeur . Il s'agit de fantasy dans notre monde contemporain et il a fallu que j'élague car j'aurais beaucoup de choses à raconter sur de nombreux personnages (mais il est possible que je fasse des annexes si j'en ai le courage.)

Je veux finir l'écriture de ce roman cette année et le publier, sans doute en auto-édition. L'idée est de créer une oeuvre avec un texte bien sur mais aussi des illustrations et une play-list accompagnant les chapitres.

J'en profite pour lancer un appel non pas au dons mais aux avis !

J'aurais besoin de quelques volontaires réguliers pour lire mes textes et me donner leur avis. Je ne cherche pas des correcteurs (je compte mettre la main sur un ami qui a déjà été très efficace par le passé). J'ai besoin de savoir ce qui vous plaît ou moins, ce qui manque de clarté ou au contraire qui vous emballe ! J'aurais besoin de vous à intervalles réguliers mais pas nécessairement ultra rapprochés je vous rassure. Qui est volontaire ?

Bon et puis histoire que vous puissiez vous rendre compte je vous mets le premier chapitre histoire de .... (C'est une version brute, non définitive !)

I. Commencement (Finistère, été1999)

La jeune femme blonde rajusta son étole de soie sur ses épaules et soupira d’aise tandis que son compagnon lui tendait une flûte de champagne.

- Il faut bien avouer que les Kildare savent recevoir… dit-elle.

- Hum, oui fit-il avec une légère moue. Leur champagne est excellent il faut le reconnaître.

- Après tout, même le cobra sait hypnotiser sa proie avant de la dévorer, souligna-t-elle ironiquement.

- Tais toi ! On pourrait t’entendre !

- Oh je t’en prie, ricana-t-elle, qui veux-tu qui nous entende ? Les autres invités sont en train de piller les petits fours et les parents sont en train de faire parader leurs enfants chéris. Nous sommes au fin fond de leur parc. Elle eut une mimique amusée. Reconnais qu’ils sont bons dans leur partie et que réussir à faire venir dans un manoir paumé de Bretagne en juillet la crème des investisseurs français c’est bien joué.

- Il n’empêche. J’aimerais pouvoir obtenir ce contrat et mieux vaut pour moi ne pas laisser mes rivaux prendre de l’avance.

- Certes, de plus le jour baisse et je n’aimerais pas me retrouver sans lumière à l’orée de ces bois

Ils s’éloignèrent, figures mondaines de soie et de strass, de la même espèce que ceux qu’ils conspuaient.

- Pfff ! Poseurs.

D’un taillis voisin l’auteur de cette apostrophe émergea l’air grincheux. Il s’agissait de l’aîné des trois merveilleux enfants : Hoël dix-sept ans, d’une taille plus haute que la moyenne, impression accentuée par sa maigreur, les yeux bleu gris et un visage en peu en longueur qu’adoucissait une bouche sensuelle et des cheveux bruns en bataille. Clairement pas une gravure de mode et il le savait.

Il soupira, ces idiots lui avaient fait perdre du temps. Les réceptions organisées par ses parents l’indifféraient, il ne les voyait que rarement et eux-mêmes ne se souciaient guère de leurs deux aînés, les ayant placés en pension par commodité. Pour le moment son but était de trouver un endroit calme et abrité où il pourrait lire tranquillement. Il n’aimait pas qu’on le détourne de son but.

Il enjamba un muret de pierre sèches et s’engagea d’un pas rapide sur le chemin qui menait à une antique chapelle abandonnée. Celle-ci était basse avec un toit d'ardoises grisées par le temps. Elle était un vestige d'un antique pèlerinage oublié depuis longtemps, dédiée à une de ces multiples saintes guérisseuses dans cette région si marquée par les traditions et les mythes. Le lycéen aimait cette simple chapelle isolée à l'ombre de laquelle on pouvait s'assoir et regarder le balancement des vagues et le bruit du ressac. Régulièrement il venait jouer de la musique à l'abri du porche minuscule et les notes s'élevaient parmi les pins rabougris par le vent.

Alors qu'il venait de s'installer à peu près confortablement près du petit autel, il lui sembla que de la brume se formait dans un coin précis du porche. Peu à peu elle se densifia pour devenir un vieillard chenu à barbe, casquette et l'inévitable pipe qui complétait la silhouette.

Hoël eut alors une attitude surprenante qui lui sauva la vie. Il ne dit ni ne fit strictement rien mais observa le fantôme d'un œil vigilant. Le vieux se mit à maugréer en breton. Il ne semblait pas avoir conscience de la présence d'un vivant à côté de lui. Une heure passa sans que la situation évolue. La nuit était tombée et la lune se levait entre les arbres. Hoël commençait à sentir les crampes le gagner. Il jugeait prudent de ne rien faire car généralement les fantômes bretons ne sont pas souvent de bons compagnons. Ils font souvent partie des « intersignes » ces présages annonciateurs de mort. L'adolescent espérait que le fantôme vaquerait à d'autres occupations rapidement. Il ne devait faire aucun mouvement pour ne pas être repéré et il voyait une lueur malfaisante jouer dans les yeux ternes de l'esprit ce qui ne le rassurait pas. Il avait l'impression qu'il était comme possédé. Le temps passait sans que l'attitude du fantôme ne change. Son caquetage maléficieux commençait à écœurer Hoël qui se sentait une envie furieuse de lui taper sur la figure pour qu'il s'arrête.

Puis il entendit un sifflement presqu'inaudible, quelques secondes plus tard le vieux s'interrompit pour écouter puis éclata en imprécations alors qu'un homme apparut sur le porche. Il était de taille moyenne, une barbe courte et bien taillée, les cheveux gris acier et un regard tranchant comme une lame. Aussitôt le vieux se jeta sur lui les mains arquées comme des serres. Seulement une épée apparut dans les mains du nouveau venu ce qui fit reculer le fantôme d'un pas.

- Tu fais un raffut du diable Yann, le réprimanda l'homme aux cheveux gris. Même les korrigans se plaignent de toi, c'est dire !

- Saleté de verremoire ! Toujours là à tout contrôler, toujours à vouloir se mêler de ce qui ne vous regarde pas ! Retourne en Ys corbeau !

- Yann tu fatigues tout le monde, soupira l'inconnu. Malheureusement je ne viens pas te faire la morale, ce soir. Tu as tué deux Teuz hier à la métairie Marec. Un ordre pourpre a été délivré et j'en suis l'exécuteur. Fais tes prières, si tu t'en souviens encore.

L'apparition eut un rire démoniaque et se jeta sur l'homme. Celui-ci leva son épée qui scintilla brièvement et dans un mouvement fluide il évita l'attaque puis il fit tournoyer sa lame et décapita proprement le fantôme qui se dissipa alors que le verremoire traça un signe complexe dans l'air.

Hoël passa sa langue entre ses lèvres, c'est à peine s'il osait respirer. L'homme tourna son regard vers le renfoncement ou il était et dit :

- Toi là dans le fond sors un peu, veux-tu ?

Les jambes engourdies il se leva et sortit tout en se rendant compte qu'il n'aurait pas pu désobéir à cette injonction, comme s'il avait été dompté par des fils invisibles. Ensuite il eut l'impression de passer sous un laser qui détaillait chaque fibre de son être.

Puis le barbu soupira et demanda avec un demi-sourire

- Qu'est-ce que tu fichais ici ?

- Je voulais juste lire, puis il s'est matérialisé et je me suis dit qu'il valait mieux ne pas bouger jusqu'à ce qu'il s'en aille.

- C'était en effet la chose la plus sage à faire pour toi.

Il allait ajouter quelque chose quand il fut interrompu par l'arrivée d'un petit personnage vêtu de couleurs criardes et à la voix grinçante.

- Ah maître Jos ! Vous avez fait de la belle ouvrage ! Vous nous avez enfin débarrassé de ce failli chien de Yann le pouilleux ! Que les flammes de l'enfer le dévorent ! Il cracha par terre, s'arrêta soudainement, puis considéra Hoël de haut en bas. Voici un jeunot qui n'a pas l'air bien épais, il ne suivrait pas la ronde de Samhain, ha ! Bien le bonsoir chez vous la compagnie !

Puis il disparut dans un claquement sec.

L'adolescent décida qu'il n'était plus à ça près et se borna à lever un sourcil interrogateur vers le verremoire.

- Doryeb est un korrigan de grande valeur malgré sa présentation quelque peu … folklorique. Bon, maintenant je te conseille de filer chez toi. Essaye d'oublier ce qui s'est passé aujourd'hui. Néanmoins si la situation devient intenable appelle-moi à ce numéro. Il lui tendit une carte de visite gris bleuté. Une dernière chose, je ne peux pas prendre le risque que tu racontes quoi que ce soit ; alors tu m'excuseras mais je t'impose le silence.

Il traça alors pour la deuxième fois un signe complexe dans l'air qui laissa une sorte de sillage argenté.

- Au revoir Hoël.

Et sans lui laisser le temps de répondre il disparut dans la lande.

Resté seul, Hoël haussa les épaules puis ramassa son livre et partit en direction de la maison. Il commençait à pleuvoir, ce genre de pluie douce qui n'est pas froide ni agressive mais vient comme une amie humecter les plantes et les hommes. Arrivé chez lui à Stréat Glaz, il passa par la porte de derrière pour ne pas attirer l'attention et tomba aussitôt sur Calielle.

Elle le regardait de ses grands yeux gris cerclés de noir, mince et gracieuse telle un chat.

- Tu étais parti longtemps grand frère, ou étais-tu ?

- Sur la lande.

Il savait qu'il ne pourrait en dire plus, le glyphe faisait effet. En même temps qu'aurait-il pu lui expliquer ?

- Allez viens, heureusement ils ne se sont pas rendu compte que tu n’étais plus là !

Elle l’entraîna vers le salon d’où des rires et de la musique retentissaient.

Il leva les yeux au ciel et la suivit.

Les jours passaient et la situation ne s'améliorait pas dans le sens où il se mit à voir de plus en plus de revenants. Oh ils n'étaient pas tous mal intentionnés, loin de là mais il était compliqué de voir des événements se produire sans que le monde extérieur en soit conscient. Il espéra que les choses allaient se calmer avec la rentrée des classes.

Lorsqu' arriva le mois d'octobre il sut qu'il s'était lourdement trompé. Non seulement il voyait les revenants, mais aussi d'autres créatures qui semblaient peu recommandables. Par exemple il y avait cette chose gluante et couinante qui nichait sous l'escalier qui montait aux laboratoires de chimie du lycée. En salle de français une curieuse toile d’araignée que lui seul voyait émettait des reflets irisés.

Ce qui le minait c’était le fait de ne pouvoir en parler à personne et de sentir que beaucoup de ces phénomènes étaient maléfiques. Il essayait de passer du temps avec sa sœur. Seulement elle était toujours avec deux ou trois amies qui riaient sans arrêt dès qu’il était là. Ça le mettait mal à l’aise, surtout qu’elles le frôlaient sans cesse. Il avait bien conscience que c’était une technique assez pitoyable de drague et ça l’énervait un peu.

Il se sentait un peu mal à l’aise de manière générale parce qu’il ne savait pas quoi faire exactement : devait-il appeler Jos ou bien laisser le temps faire. Après tout peut être que s’il n’y prêtait pas attention il finirait par ne plus voir toutes ces créatures.

Les fêtes de Noël lui offrirent un répit bienvenu. Ils se rendirent au Maroc qui ne semblait pas affecté par de tels phénomènes.

Les vacances se passèrent et il retourna en cours au lycée. Il essayait de penser à autre chose mais rien à faire, les créatures qui habitaient le coin n’avaient pas décidé de plier bagage pendant les vacances. Février approchait et il faisait un froid glacial.

Ce fut par un après-midi où le soleil bas dardait de pâles rayons aigus que les choses prirent une certaine tournure.

La plupart des lycéens de la « 1ère S 3 » assistaient au cours le plus soporifique de la journée : une heure trente minutes de mathématiques. Les plus valeureux ressortaient à l’état de guimauve et les plus chahuteurs s’endormaient. Monsieur Henri Levesque était le professeur qui faisait régner un silence que bien des collègues lui enviaient. Il parlait d’un ton monocorde, ne s’arrêtait jamais pour répondre à une question et à vrai dire, ne semblait même pas se demander s’il était compris.

Impossible de sécher car il faisait l’appel à chaque début de cours et celui qui manquait à l’appel se voyait collé pour les deux semaines à venir avec une liste de problèmes à résoudre aussi incompréhensibles les uns que les autres.

Pour l’heure il discourait sur les fonctions hyperboliques et les équations qui en découlaient. Hoël le menton calé dans sa main droite, laissa son attention dériver en regardant par la fenêtre. Cette matière n’était pas sa tasse de thé et s’il tenait à maintenir ses résultats à la moyenne, il n’était pas décidé à faire beaucoup d’efforts d’apprentissage.

Il ne restait plus que vingt minutes d’ennui profond à subir lorsque l’espèce de chose caoutchouteuse qui squattait sous le bureau du prof se mit à s’agiter et à remonter le long du pied du bureau déjà mentionné. Hoël haussa un sourcil dubitatif. Il s’imaginait quoi le lézard à ventouses ? Qu’il allait se mettre à hurler en le voyant histoire que toute la classe se foute de lui et le prenne pour un fou furieux ?

Il se passa quelques minutes avant que la bestiole n’atteigne le plateau du bureau. Elle darda une langue rose bifide tout en agitant sa tête de droite à gauche et se dirigea ensuite d’un pas résolu vers la trousse du prof. Puis de sa patte à ventouses elle attira un bic bleu qu’elle se mit à mâchouiller consciencieusement. Le bruit était répugnant. Hoël détourna la tête dégoûté . C’était le problème, ces choses voulaient toujours faire les marioles pour attirer l’attention et si ça ne marchait pas elles se vengeaient sur la nourriture. Il en était arrivé à ce point de réflexion lorsqu’il reçut quelque chose sur l’épaule.

- KILDARE ! ça vous dérangerait de suivre deux minutes !

Le prof avait cédé à sa manie de balancer sa craie à la tête de l’élève qui ne l’écoutait pas. Hoël épousseta son épaule machinalement et poussa un rugissement lorsqu’il découvrit le lézard collé sur sa main par une patte. Il secoua frénétiquement la main pour s’en débarrasser. Monsieur Levesque n’avait pas lancé sa craie mais son stylo.

- Kildare, dehors ! Vous serez collé trois heures samedi !

Sans demander son reste il ramassa ses affaires et sortit sous les rires moqueurs de ses camarades. Il se retrouva dans le couloir et inspira un grand coup. Une journée pourrie, voilà ce que c’était. Echanger dix minutes de cours contre trois heures de colle et passer pour un cinglé, franchement il avait vu mieux. En plus son pull était tâché de mucus. Fichue bestiole !

Il remonta dans sa chambre pour se changer. Il partageait une chambre avec un dénommé Mathieu qui avait pour qualité de ne pas ronfler. Le lieu était sommaire mais propre et disposait d’un cabinet de toilette indépendant avec douche, ce qui restait rare dans un internat.

Dix minutes plus tard, vêtu d’un sweat à col et capuche gris il descendait l’escalier qui menait aux jardins du campus quand il aperçut Calielle qui passait pour se rendre à son cours d’athlétisme. Il sourit, il allait pouvoir se changer les idées en parlant avec elle.

Il se dirigeait à grands pas vers sa sœur, quand une araignée fantomatique se dressa sur d’immenses pattes noires. Hoël se figea. Elle cliqueta et se tourna dans sa direction. Elle devait bien faire un mètre cinquante de hauteur, son corps lui était plutôt maigrelet. On aurait dit un faucheux boosté aux stéroïdes. Il eut un rictus de dégout. Ses multiples yeux se tournèrent vers lui puis vers Calielle. Elle leva une patte en direction de la jeune fille et d’une autre mima le geste de trancher la gorge. Hoël fronça les sourcils : ça pliait les pattes comme ça une araignée ? Puis elle sourit, un sourire large et glaçant.

Hoël n’imaginait pas un jour voir une araignée menacer sa sœur et encore moins lui sourire. Une onde de peur lui remonta le long de la colonne vertébrale le faisant trembler.

Calielle s’éloignait sans le voir. L’araignée, elle était toujours là. Il déglutit difficilement, il ne savait trop quoi faire. Puis l’abomination sur pattes se tourna et se dirigea en frétillant dans la direction qu’avait prise Calielle.

Et là il sut qu’il fallait agir vite, il ne pouvait pas laisser cette chose s’attaquer à sa sœur. Une rage froide le mit en route et il courut vers la chose. Celle-ci dut se rendre compte de quelque chose car elle pila, s’emmêla les pattes et obliqua vers les terrains de sport à grande vitesse.

Il lui courut après à toute vitesse et se retrouva assez vite essoufflé, mais il continua soutenu par sa colère. Elle traversa un terrain de foot dont le gazon était proche de la ruine et fila dans un taillis voisin. Il s’y engouffra à son tour bien décidé à lui faire passer un sale quart d’heure.

Seulement il se rendit vite compte qu’il était arrivé sur un terrain qui n’était pas à son avantage. Les branches basses le gênaient dans sa progression et la lumière du jour filtrait difficilement. L’arachnide ne semblait pas en difficulté. Il ramassa un bâton et le lui lança, malheureusement il la traversa sans faire de dommage. Forcément, pensa Hoël, il y avait peu de chance qu’une horreur immatérielle soit mise à mal par un vulgaire bâton. Puis il déboucha sur une sorte de clairière où tout semblait poussiéreux. Un arbre mort, gris était pris dans de nombreux fils blanchâtres qui formaient à une certaine hauteur le nid de l’araignée. Le jeune homme eut l’intuition qu’il ne pourrait pas détruire cette monstruosité si elle s’y réfugiait. Mais comment s’en débarrasser, se demanda-t-il alors qu’elle s’accrochait au tronc. Il se souvint opportunément qu’il y avait un canif, genre couteau suisse, dans sa poche. Bon c’était minable mais peut-être aurait-il plus de chance qu’avec le bâton.

Il siffla pour attirer son attention. Cela raisonna beaucoup plus aigu qu’à l’accoutumée.

L’araignée s’arrêta et fit pivoter ses yeux luisants.

- Hé descend de là et viens que je te refasse le portrait, pourriture !

Aussi délirant que cela puisse paraître l’arthropode stoppa son avancée, fit demi-tour et sembla répondre à la provocation. Hoël se campa fermement sur ses jambes et dégaina son canif prêt à en découdre. Il sentait une curieuse sensation monter en lui plus forte que la peur et qui le disputait à la colère.

L’araignée émit une stridulation et se jeta sur l’adolescent qui bondit à son tour.

C’est alors que le phénomène se produisit : des étincelles argentées apparurent au bout des doigts d’Hoël et remontèrent le long de la lame. Il eut la sensation de voir des lignes argentées courir comme des sentiers sur le sol. Les mandibules claquèrent en frôlant le bras de l’adolescent tandis que le canif s’enfonçait dans la carapace dans un crissement sec. Sentant le danger, la créature tenta de se replier.

Hoël avait l’impression que son sang était chargé d’électricité, et que les lignes argentées ondulaient. Ç’aurait été pratique si ces lignes pouvaient se croiser et faire chuter cette saleté. Il fronça les sourcils et imagina les lignes se rejoindre. Il y eut à nouveau une espèce de petit miracle car les lignes ondulantes se rapprochèrent et l’araignée se cassa la figure. Hoël sentit monter une joie sauvage et se rua sur la bête un rictus cruel aux lèvres. Il planta le couteau et hurla :

- PERSONNE NE MENACE MA SŒUR !

Les mandibules claquèrent, si proches de son poignet. La bête ne cédait pas et cherchait à le blesser pour le paralyser. Il abattit alors le canif une douzaine de fois avec une vitesse dont il ne se savait pas capable. De l’ichor visqueux se répandit alors que l’araignée griffait en vain le sol. Un dernier sursaut et elle s’immobilisa.

Il se redressa et inspira profondément. Les lignes argentées s’éteignirent alors même que la carcasse de la bête s’effritait en poussière. L’excitation de la bataille retomba et un coup de vent glacial balaya la scène. Hoël plissa les yeux et aperçut une ombre noire mouvante au sommet de l’arbre poussiéreux. Nettement moins sur de lui, il fit quelques pas en reculant. Cette chose lui semblait très dangereuse et plus que malsaine. Elle sembla se diluer dans l’écorce de l’arbre et le jeune homme prit ses jambes à son coup sous le coup d’une peur atroce.

Il courut jusqu’aux bâtiments du campus et s’affaissa hors d’haleine contre un mur.

- Ben alors t’as un coup de mou ?

- Euh ?

Mais qu’est-ce que Mathieu fichait ici ?

- Tu sais qu’on a une heure d’étude là ?!

- Oh ? Ah oui !

- T’es sûr que ça va ? T’as vraiment pas l’air dans ton assiette. C’est à cause du prof de maths ?

- Non, non, tout va bien ! J’arrive !

Tout en se rendant dans la salle d’étude Hoël s’aperçut qu’il avait la main gauche tâchée des fluides de l’araignée. Génial… Il entra dans la salle et se cala dans un coin à côté de son voisin de chambre. Le pion leur distribua un texte qu’ils devaient traduire pour le lendemain. Si Hoël avait bien une facilité c’était en matière linguistique. Il vint à bout de sa version latine en moins d’une demi-heure alors que les autres suaient sang et eau en maudissant Ovide. Ensuite, il obtint la permission de rejoindre l’infirmerie, prétextant un mal de tête.

Tout en traversant un couloir, il hésitait sur la conduite à tenir quand une espèce de gelée verte se mit à goutter du plafond. Il réprima un hurlement. Il avait les nerfs à vif. Puis il se figea ; il entendait un murmure, dans une sorte de froissement désagréable qui irritait l’oreille.

Il… pourrait… être dangereux…il serait… prudent… de… l’éliminer…

Hoël déglutit, et s’obligea à conserver son allure. Il fallait trouver une solution et vite ! Il était évident que personne parmi ses proches ou le lycée ne pouvait apporter la moindre solution à ses problèmes. Contacter l’église ? Pourquoi pas, mais on trouve rarement des prêtres exorcistes dans l’annuaire. Restait le type de l’été dernier, mais il ignorait s’il pouvait lui faire confiance. Heureusement il avait sa carte à portée de main dans son portefeuille, coincée entre une place de concert de l’année dernière et un trèfle à quatre feuilles offert par sa grand-mère.

Bon ok, il allait appeler ce type aussi vite que possible. Il se rappela que son téléphone portable était à cours de crédits et il ne souhaitait pas utiliser le téléphone du lycée qui pouvait être écouté par la proviseure ou sa pipelette d’assistante.

Il entendit gratter dans la cloison sur sa droite. Ok, là cette fois il n’y avait plus à tergiverser, il fallait lever le camp tout de suite.

Il se mit à courir et descendit en trombe l’escalier, claqua la porte et courut hors du bâtiment. Dehors dans les derniers rayons du couchant il fonça vers l’entrée et profitant que le gardien regardait hypnotisé un jeu télévisé, franchit la grille.

Heureusement le village n’était qu’à deux kilomètres. Le jeune homme n’étant pas un athlète il se borna à marcher rapidement sur la route goudronnée. Arrivé à destination, il s’orienta vers la place de la mairie et dans la cabine décrocha le combiné de bakélite gelé par le froid. Il composa fébrilement le numéro et attendit que les sonneries aigrelettes s’égrainent dans son oreille.

Il y eu un déclic et il entendit une voix masculine.

- Jos Prigent, j’écoute.

- Hoël Kildare, je… je crois que j’ai besoin de vous… de manière urgente !

La bibliothèque était chargée de volumes reliés en cuir et formait une espèce de mosaïque colorée. La pénombre était dissipée par endroit par la lumière de globes en verre translucide qui éclairait doucement les longs bureaux où étaient ouverts des incunables richement ornés.

Jos reposa le combiné et se renversa dans son fauteuil en soupirant.

- Hé bien ? Une mauvaise nouvelle ?

Il tourna la tête et regarda la femme qui l’interrogeait ainsi par dessus un lutrin. Grande avec beaucoup de prestance, dégageant une force tranquille, des yeux couleurs d’eau claire et des cheveux couleurs des blés murs légèrement ondulés et emmêlés, telle était Saodat. Il sourit, car on ne pouvait que sourire en la voyant. S’il n’avait pas trente ans de plus qu’elle…

- Non, dit-il en se redressant, mais nous allons fort probablement avoir un nouveau zamaria.

Il se leva et saisit une veste en feutre épais,

- Je serais de retour dans quelques heures.

Elle hocha la tête.

Une fois l’homme sorti, Saodat eu une petite moue inquiète et murmura :

- Oui… s’il survit au premier élixir… ils sont si peu à y parvenir…


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